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Question de M. Gilbert-Luc Devinaz (Rhône - SER) publiée le 01/02/2024

M. Gilbert-Luc Devinaz attire l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités sur les indemnités en cas de licenciement abusif. En effet, depuis l'ordonnance de septembre 2017, les indemnités octroyées lors d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ont été plafonnées. Saisi par différents syndicats, le comité européen des droits sociaux du Conseil de l'Europe (CEDS) a été amené à se prononcer sur ce nouveau dispositif en septembre 2022. Dans sa décision, après analyse du barème, le CEDS conclut que ces « plafonds pourraient amener les employeurs à faire une estimation réaliste de la charge financière que représenterait pour eux un licenciement injustifié sur la base d'une analyse coûts-avantages. Dans certaines situations, cela pourrait encourager les licenciements illégaux ». Le CEDS a noté « en outre que le plafond du barème d'indemnisation ne permet pas de prévoir une indemnité plus élevée en fonction de la situation personnelle et individuelle du salarié, le juge ne pouvant ordonner une indemnisation pour licenciement injustifié que dans les limites inférieure et supérieure du barème ». De ce fait, le CEDS a déclaré ces nouveaux barèmes contraires à l'article 24 (b) de la Charte sociale européenne qu'a ratifiée la France en 1999. Dans la même perspective, dans une de ses recommandations de septembre 2023, le comité des ministres du Conseil de l'Europe demande à la France de « réexaminer et modifier le cas échéant la législation » relative aux indemnisations du licenciement abusif.
Si ces décisions n'ont pas de valeur contraignante en France, il serait délétère politiquement de ne pas respecter la charte sociale européenne que la France a ratifiée. À l'heure où l'euroscepticisme gagne les consciences et que les Français peuvent douter de la capacité de l'Europe à protéger leurs droits, il souhaite savoir comment le Gouvernement compte prendre en considération ces différentes décisions européennes et faire évoluer le barème indemnitaire.

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Réponse du Ministère du travail, de la santé et des solidarités publiée le 21/03/2024

L'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail a modifié le dispositif d'indemnisation prévu en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Celui-ci prévoit, en cas de refus ou d'impossibilité de réintégration du salarié dont le licenciement est reconnu sans cause réelle et sérieuse, que le juge accorde une indemnité, dont les montants minimaux et maximaux varient en fonction de l'ancienneté du salarié. Des montants minimaux spécifiques sont prévus au profit des entreprises de moins de onze salariés afin de tenir compte de la situation particulière des petites entreprises. Cette réforme répond à deux objectifs. Elle permet d'abord d'assurer une plus grande prévisibilité, pour le salarié comme pour l'employeur, quant au montant de l'indemnité à verser. Ensuite, elle permet une plus grande équité entre salariés, en harmonisant le calcul de cette indemnité entre les différentes juridictions. Ce barème a en effet fait l'objet de contestations devant les juridictions, portant notamment sur sa compatibilité avec l'article 24 de la charte sociale européenne révisée du 3 mai 1996. Cependant, l'effet direct de la charte sociale en droit ayant été écarté par la Cour de cassation dans un avis de juillet 2019 et deux arrêts du 11 mai 2022 (n° 21-14.490 et 21-15.247), ces contestations sont sans conséquence pour l'ordre juridique national. Le dispositif du barème est donc stabilisé sur le plan juridique à la faveur de ces deux arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation de mai 2022. Toutefois, à la suite d'une recommandation de l'Organisation internationale du travail, le Gouvernement va mettre en place un cadre de suivi de l'application du barème, en lien étroit avec les partenaires sociaux.

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